Intransigeant, le collectif Vélorution ?


Il fut un temps où les élus de la métropole, devant les critiques que la Vélorution orléanaise faisait à la modestie de leurs propositions, à leur absence de propositions ou à leur fâcheuse tendance à la procrastination, se retranchaient derrière le fumeux « il ne faut pas opposer les modes de transports ». Autrement dit : il ne faut pas créer de conflit entre utilisateurs de différents modes de transport, il faut laisser de la place à chacun en fonction de ses besoins, sous-entendu sans toujours accuser ceux qui prennent leur voiture.

Agacé lui aussi par ce sempiternel reproche fait aux cyclistes, Olivier Razemon a montré à quel point l’argument était spécieux1 :

« En matière de déplacements, il faut justement opposer les modes. Ou, plus précisément, il faut s’opposer au mode dominant, à celui qui prend l’essentiel de l’espace, une grande partie des budgets d’aménagement, celui qui investit la quasi-totalité des cerveaux des décideurs, tout en générant la plupart des nuisances: le mode motorisé individuel. Opposer les modes, cela signifie encourager un mode plutôt qu’un autre, espérant amener les usagers à changer autant que possible leurs habitudes. D’ailleurs, c’est ce que les collectivités font depuis longtemps2. À l’inverse, « ne pas opposer les modes », c’est ne pas se donner les moyens de changer quoi que ce soit, et donc ne rien changer. »

Olivier Razemon, « Mobilité : oui, il faut « opposer les modes » », 3 février 2019.

L’argument n’étant plus très pertinent, une variante a émergé, et a souvent été reprise ces derniers temps du côté de la métropole orléanaise : les cyclistes agissent comme un lobby qui défend ses propres intérêts, mais les pouvoirs publics se doivent de défendre aussi les citoyens usagers de l’automobile. Une façon de renvoyer dos à dos cyclistes et automobilistes : selon les élus orléanais, chaque utilisateur d’un mode de transport cherche bien naturellement à défendre ses choix, et le décideur politique, juge de paix, doit tenir compte de tous les points de vue, ne pas trop favoriser l’un en pénalisant l’autre… une nouvelle façon tiède d’en rester au statu quo qui finalement bénéficie toujours au mode dominant : la voiture individuelle.

C’est ainsi que les « vélorutionnaires » sont le plus souvent présentés comme « intransigeants », avec dans l’expression cette nuance péjorative qui laisse entendre qu’ils en demandent toujours trop et sont incapables de transiger, c’est-à-dire de consentir à un arrangement, de mettre fin à un litige. Impossible de discuter avec eux, ils sont trop exigeants et rêvent en réalité de « bannir » la voiture. Une façon pas même voilée de caricaturer et de discréditer les demandes des cyclistes, bien souvent accusés, tout en finesse, d’être des « ayatollahs du vélo »3.

Mais au juste, à propos de quoi s’agirait-il de « transiger »? La sécurité des cyclistes ? La diminution de la pollution? Ou peut-être les deux…

Si l’on y regarde de plus près, que défendent les cyclistes ? Ce dont il s’agit, c’est de leur capacité à se déplacer, selon le mode de leur choix, en toute sécurité. Avec en prime des avantages indéniables sur leur propre santé mais aussi sur la santé des autres : ne pas contribuer à la pollution de l’air bénéficie à toutes et tous. En libérant de la place dans l’espace public, ils défendent aussi la possibilité pour tous ceux qui ne peuvent faire autrement, personnes âgées, véhicules de secours, transports en commun, de circuler beaucoup plus facilement. Que défendent les automobilistes ? Le confort personnel et individuel d’un déplacement sans effort, y compris sur de très courtes distances, quitte à y passer plus de temps, à empiéter sur l’espace public et à polluer l’air que nous respirons tous avec un véhicule lourd et dangereux.

Peut-on renvoyer dos à dos ces deux aspirations contradictoires ? Les élus de la collectivité ne devraient-ils pas encourager les collectifs citoyens de cyclistes sans atermoiements, plutôt que les conducteurs individualistes ? En remerciant plutôt ceux qui contribuent à la solution pour l’amélioration des conditions de circulation, comme le faisaient, Olivier Razemon (encore lui, Merci à ceux qui font autrement4), ou, avant lui, Albert Jacquard5.

Que la Vélorution reste donc intransigeante sur la sécurité des personnes qui font le choix d’un mode de transport efficace et vertueux, au bénéfice de l’ensemble de la société. C’est sa raison d’être.

Notes

  1. Définition selon le Wiktionnaire : « Qui a une apparence de vérité et de justice, mais qui n’en a, effectivement, que l’apparence. »
  2. Nous dirons plus exactement « D’ailleurs, c’est ce que certaines collectivités font depuis longtemps ».
  3. Expression utilisée par le vice-président métropolitain aux transports Bruno Malinverno dans un entretien pour La Tribune-Hebdo.
  4. « Merci à ceux qui font autrement », 16 novembre 2018.
  5. Sur France Culture en 1993 : « Il faut tout repenser autrement. Un tout petit exemple, un peu pittoresque, j’y pense quand je suis en voiture. Pourquoi est-ce que dans les rues de Paris je peux circuler ? Parce qu’il y a un certain nombre de centaines de milliers de braves gens qui sont sous terre dans le métro. Ils me rendent service en étant là, s’ils n’étaient pas dans le métro, ils seraient dans les rues et je ne pourrais plus bouger, ce serait complètement engorgé. Par conséquent, le métro rend service aux gens qu’il transporte mais il rend encore plus service aux gens qu’il ne transporte pas. »

6 réflexions au sujet de « Intransigeant, le collectif Vélorution ? »

  1. Je partage intégralement le propos que vous tenez . Sachant que, nous cyclistes sommes actuellement très minoritaires : 5 % des mobilités quotidiennes, parmi ces « grands décideurs, omnipotents, leur logique est : « ils » (les cyclistes) sont si peu ; pas de temps à perdre avec eux, pour eux.. Dans ces conditions, leur « secret espoir » = la diminution prolongée de la courbe des cyclistes parmi les usagers de la route et de la rue ; courbe très descendante sur les 4 ou 5 dernières décennies ! Au final ; attention à ce qui suit : organiseront-ils « une grande fête » le jour où « le dernier dinosaure cycliste » aura « disparu » de la circulation ? Pour mon frère Hervé, mort écrasé par un camion, non, par un camionneur ( ! ) alors qu’il circulait à vélo, c’est déjà « de l’histoire ancienne » ! De mon côté ; Inventeur – Créateur de la Loire à vélo en 1995, doit-on, encore aujourd’hui, me considérer comme « un doux dingue », et me clamera-t-on encore des : « Retourne dans ta caverne, et, éclaire toi à la lampe à huile ! ». Peu me chaut, je persiste et signe et continue à revendiquer de meilleures conditions » cyclables « pour tous mes contemporains. Amitiés, cyclables, à tous lecteurs. Le commandeur ONM Environnement, Régis Réguigne.

  2. Je suis entièrement d’accord avec vos propos et ceux de Régis Réguigne.
    La voiture est actuellement le moyen de transport dominant en France et il est temps que cela change.
    De plus en plus de cyclistes sur les routes et le comportement des automobilistes devra forcément changer.
    Le vélo a les mêmes droits que la voiture tout en étant moins polluant et en occupant moins d’espace.
    Le cycliste paie des impôts et a le droit d’avoir des pistes cyclables en bon état! Il doit de plus être protégé car plus fragile, il n’a pas de carrosserie lui!
    Le vélo n’est pas seulement le moyen de transport du touriste ou du sportif, tout le monde peut l’utiliser pour aller au travail, pour ses loisirs ou faire ses courses.
    Les temps changent… L’Allemagne notre bel exemple économique! a de belle pistes cyclables où le cycliste sait se faire respecter.
    Vive le vélo de tous les jours!

  3. L’exemple de Bordeaux, avec la suppression de la circulation automobile sur le Pont de pierre est exactement ce qu’il faut faire. A Orléans, on a un pont de pierre : le pont Royal! il nous manque un Juppé à la tête de la ville/métropole.

    1. Bonjour,
      Pour la nouvelle piste cyclable sur le pont Royal, pour éviter aux voitures de la prendre il existe des radars pour cela.
      Cordialement.

  4. Hé bien oui, bravo pour ce texte !
    Même constat, les cyclistes continuent de « pleurnicher » pour obtenir un minimum de sécurité et de fonctionnalité…mais où sont les évolutions sur le terrain ?! Si minimes à chaque fois que nos éloquents blogueurs peuvent se fendre d’un article par mètre linéaire de piste cyclable créée, tellement les avancées sont rares !
    Pourtant, on le constate en roulant dans nos rues, le nombre de cyclistes augmente chaque année. J’ai l’impression que le chiffre de 5% est sous-estimé et en rapide évolution.
    Je trouve aussi que même le comportement des automobilistes a changé et s’est amélioré pour nous laisser notre place (à part quelques irréductibles énergumènes énervés voir insultants).
    On constate bien que c’est le manque de volonté politique et les complexités administratives sur lesquelles nos dirigeants s’appuient qui empêchent le progrès. Et ce sont les entreprises de communication qui en tirent un bon profit, elles ! L’image est belle mais la réalité est autre.

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